viernes, 10 de octubre de 2014

Le Bel Indifférent (Una obra de Jean Cocteau)

El Bello Indiferente




En Octubre de 1963, a pocas horas de diferencia, se apagan dos estrellas máximas de la cultura francesa: Jean Cocteau y Edith Piaf. Edith Piaf murió el 10 de octubre en París, pero su muerte se mantuvo en secreto hasta el día siguiente. Jean Cocteau, en el hospital, alcanzó a saber la terrible noticia el día 11 y la lamentó dos horas antes de su propia muerte. Antes de hacer llorar a Francia con su partida simultánea, tuvieron el tiempo de reunir su sensibilidad y su talento en "El bello indiferente" (Le Bel Indifférent), pieza que montaron con Paul Meurisse y que supuso uno de los grandes éxitos de la joven Edith al principio de su carrera. En 1953, interpretó nuevamente la obra con Jacques Pills.

Una noche de tantas... Una mujer espera la llegada del hombre que ama. Por fin llega. La indiferencia de él da lugar al patético monólogo del amor no correspondido, enfrentando el deseo a la quietud y el amor al desamor. "El Bello Indiferente" es una pieza absoluta, compleja, profundamente humana y llena de contradicciones que retrata a una mujer doliente y a su pareja en el último tramo de su historia.

Monólogo en Francés: 



Une pauvre chambre d’hôtel, éclairée par les réclames de la rue. Divan-lit. Gramophone. Téléphone. Petit cabinet de toilette. Affiches. 
Au lever du rideau, l’actrice est seule, en petite robe noire. Elle guette à la fenêtre et court à la porte surveiller l’ascenseur, puis elle vient s'asseoir près du téléphone, puis elle met un disque et l’arrête. Elle retourne au téléphone et forme un numéro. 

Allo, c’est vous Georgette ? Passez-moi Monsieur Totor. Si, trouvez-le. J’attendrai 
Le voilà ? Parfait ! Passez-le-moi 
Totor ? C’est toi ? C’est moi, oui 
Émile et en haut ? Non ? 
Tu l’as vu ? À quelle heure ? Et… et il était seul ? Et tu ne te doutes pas où il allait ? Il ne t’a rien dit ? Il était noir ? 
Oh, je ne suis pas inquiète, j’avais une chose urgente à lui dire, et j'arrive pas mettre la main dessus 
Ça marche ? Bravo ! Moi ? Oh, moi, après mon travail, je rentre, je suis morte. 
Mieux, plutôt mieux. Le docteur ? Si tu crois que j’ai du fric pour voir les docteurs. 
Non mais je me soigne, je rentre, je me couche 
Émile ? Émile et un ange. Il est parfait pour moi. Mais si, il va rentrer. Il ne me quitte jamais. Il devait avoir une affaire 
Enfin ça va. Je t’embrasse, hein. Allez, au revoir 
Au revoir Totor. Bonne chance 

Elle raccroche. Elle entend le bruit de l’ascenseur et va écouter à la porte. Le téléphone sonne, elle se précipite. 

Allo ! Ah ! C’est vous ! Votre frère ? 
Naturellement qu’il est là votre frère. Il est là, mais il est dans la salle de bains. 
Je vais l’appeler. 
Émile ! Émile ! Quoi ? Tu ne peux pas venir ? Charmant ! 
Allo. Ce qu’il et grossier ! 
Non. Il me crie qu’il est tout nu et que ce ne serait pas convenable au téléphone 
Si je suis sûre qu’il est là ? 
Vous êtes folle, Simone. Naturellement qu’il est là ! 
Ah, ce n’est pas ma faute s’il refuse de, de se déranger, de, de venir 
Ta sœur trouve que tu pourrais te déranger ! 
Ah, il a un vocabulaire choisi ! 
Non, il est dans l’eau et il prétend rester dans l’eau 
Je vous redemanderai. C'est ça ! 

Elle raccroche. — Entre les dents 

La garce ! 

Elle reprend sa faction. Bruit d’ascenseur. Elle se précipite. On entend une autre porte. Silence. Elle s’appuie, debout, contre la porte, épuisée. Elle va à la pendule et avance les aiguilles. A mi-voix. 

C’est pourtant facile de téléphoner, de décrocher un appareil ! 

Elle regarde le téléphone et tout à coup se décide à mettre une cape. Bruit de clefs. Elle ôte la cape. Elle se précipite sur le divan et prend un livre. La porte s'ouvre Émile entre. C'est un magnifique gigolo, au bord de ne plus l’être. Il entre, et, pendant ce qui va suivre, se déshabillera, allant du cabinet de toilette à la chambre en sifflotant. 

Ta sœur a téléphoné 
J’ai dit que tu étais dans ton bain 
Pas la peine qu’elle sache que tu n’étais pas rentré à l’hôtel, que tu traînais n’importe où. Elle aurait été trop contente ! Du reste, elle ne téléphonait que pour se rendre compte. Elle répétait "Vous êtes bien sûre qu’il est là ?" 
Quelle garce ! 
Où étais-tu ? 
J’ai demandé chez Totor, on t’avait vu, mais on ne savait pas où tu étais 
L’heure passe si vite ! Je lisais, je croyais que je venais de rentrer de mon travail et puis je regarde la pendule et je m’aperçois qu’il est une heure impossible 
Où étais-tu ? 

(Silence) 

Parfait ! Tu ne veux pas répondre, comme d’habitude ! Ne réponds pas, mon bonhomme ! Ce n’est pas moi qui t’interrogerai, qui insisterai. Je ne suis pas de ces femmes qui font des interrogatoires et qui marchent sur vos talons jusqu’à ce qu’elles sachent ce qu’elles veulent 
Avec moi tu n’as rien à craindre ! 
Je te demande où tu étais… 
Tu refuses de répondre ? 
La cause est entendue. Seulement, à l’avenir, moi, j’en prendrai à mon aise. Pendant que Monsieur se promène, j’irai où bon me semble, et je ne te rendrai pas de comptes. Ce serait trop facile, merci ! 
Monsieur fait ce qu’il veut, et Madame doit rester enfermée à triple tour à l’hôtel ! 
J’ai compris. Je ne comprenais pas, mais j’ai compris. Bonsoir messieurs-dames. Je rentrais comme une petite fille bien sage attendre Monsieur… Et Monsieur ne rentre pas ! Monsieur est tranquille, Monsieur sait que Madame est à l’hôtel, qu’elle dort. Alors Monsieur cavale ! Mais tout ça va changer. Dès demain, j’accepte les offres des types qui m’envoient des fleurs, des lettres, Champagne etcetera. Et Monsieur verra comme c’est drôle d’attendre. D'attendre toujours 

Émile a passé sa robe de chambre, il se couche sur le lit, allume une cigarette et déploie un journal qui lui cache la figure. 

Lis ton journal ! Lis ton journal, ou plutôt fais semblant de le lire. Rien ne m’empêchera de crier… 

(on frappe à la cloison; elle continue plus bas) 

…de crier ce que j’ai sur le cœur 
C’est très commode un journal. Derrière un journal, on se cache. Mais moi, derrière ce journal, je devine ta figure méchante et attentive, oui, mon cher, at-ten-tive ! 
Je parlerai, je viderai mon sac ! Rien ne m’empêchera de vider mon sac ! 

(on frappe à la cloison) 

Merde ! 

Lis ton journal, c’est si simple ! 
Sais-tu ce que c'est, toi, que d’être malade, de s’en aller de la caisse ? Sais-tu ce que c’est que de rentrer vite chez soi, que d’espérer l’appui de la personne qu’on aime, et que de trouver la chambre vide et que d’attendre ? 

Attendre ! Je la connais cette chambre. Si je la connais ! 
Je connais les réclames rouges et vertes qui s’allument et qui s’éteignent et qui ont l’air de tics d’un vieux maniaque 
Je connais les taxis qui font semblant de s’arrêter, qui ralentissent et qui passent. Et chaque fois, le cœur s’arrête de battre 
Je connais l’ascenseur qui monte à l’étage au-dessus ou qui s’arrête à l’étage au-dessous et le bruit des autres portes 
Je connais les aiguilles de la pendule qui filent à toute vitesse si on ne les regarde pas, et qui, si on les regarde, se glissent comme des voleurs, si lentement qu’on ne les voit pas remuer et qu’on croit que la pendule se trompe 
Attendre. Faire attendre, chez toi, c’est de l’art ! Un supplice chinois. Tu connais tous les trucs, tous les moyens les plus épouvantables de faire du mal et de nuire 

Ce que j’ai attendu! 
Je compte jusqu’à mille, jusqu’à dix mille, jusqu’à cent mille. Je compte mes pas entre la fenêtre et la porte. Je combine des calculs pour que mes pas comptent le double. Je mets un disque. Je commence un livre et j’écoute. J’écoute avec toute ma peau comme les bêtes ! Et quelques fois je n’y tiens plus et je téléphone 
Je téléphone dans une de ces sales boîtes où tu traînes, où tu dois torturer d’autres femmes. Et tu viens toujours de partir ! Et jamais on ne sait où tu es parti. Et la dame du lavabo qui prend une voix de mère-poule, une voix compatissante. Ah ! Celle-là, je la tuerais ! 

Du reste, il est possible que je te tue. On cite des femmes qui ont tué leur amant pour moins que ça. Attendre, attendre, attendre, attendre ! C'est à devenir folle, et ce sont les folles qui tuent ! 
Après je me tuerai. Je ne supporterai pas de vivre sans toi. J’en suis certaine. Mais que veux-tu, c’est un réflexe ! 

Regarde, je parle, je parle, d’autres que toi jetteraient leur journal, me répondraient, s’expliqueraient ou me gifleraient. Toi, non ! Tu lis ton journal ou tu fais semblant de le lire 
Je donnerais cher pour voir ta figure derrière ce journal 
Ta figure de diable. Une figure que j’adore et qui me donne envie de prendre un revolver et de te tirer dessus ! 

Écoute, Émile, cette nuit, j’ai décidé de tout te dire 
Je crois qu'il vaut mieux qu'on se quitte 

Si ! Tu es habitué à ce que je souffre en silence, à ce que je la boucle, mais la mesure est comble ! 
À deux heures je m’étais promis, si tu rentrais, de me taire, d’être gentille, de me coucher, de faire comme si je dormais, comme si tu me réveillais 
À deux heures dix, la torture des voitures et de l’ascenseur a commencé 
À deux heures un quart, ta sœur a eu l’idée géniale, lumineuse, de faire sa police et de voir si tu étais rentré à l’hôtel, et à deux heures et demie, j’ai perdu le contrôle de moi-même, et j’ai décidé, oui, décidé que je parlerais et que j’en finirais avec ce silence ! 

Oh ! Tu peux te taire, tu peux lire ton journal, tu peux te réfugier derrière ton journal. Je m’en fous ! Je ne serai pas ta dupe. Je te vois, je te vois malgré le journal. Ha, ha ! 
Ma scène t’embête, hein ? Tu ne t’y attendais pas. Tu te disais "C’est une victime, profitons-en" ! Eh bien non, non, non, non et non, je refuse d’être une victime et de me laisser cuire à petit feu. Je vivrai, je lutterai, et j’obtiendrai gain de cause 

Je t’aime. C’est entendu. Je t’aime et c’est ta force. Toi, tu prétends que tu m’aimes. Mais tu ne m’aimes pas, Émile. Si tu m’aimais, tu ne me ferais pas attendre, tu ne me tourmenterais pas à chaque minute, à traîner de boîte en boîte et à me faire attendre. Je me ronge. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Tiens : un fantôme ! Un vrai fantôme. Un fantôme couvert de chaînes, de toutes les chaînes que tu m’accroches. Un fantôme dans une oubliette 

Je sais ce que tu voudrais. Je le sais. Tu voudrais pouvoir aller et venir, faire tout ce qui te passe par la tête, coucher avec la terre entière et savoir que moi, moi que tu aimes, ha, ha, ha, paraît-il, je suis enfermée à triple tour dans un coffre-fort dont tu tiens la clef dans ta poche. Et alors, tu serais tranquille ! C’est ignoble. Ignoble ! 

Émile ! 

Oh! Bon. Continue, lis ton journal, lis ton journal 
Il y a beau temps que tu dois avoir fini de le lire ! Je te conseille de le relire, de le lire de haut en bas et de bas en haut, de gauche à droite et de droite à gauche 
Tu es grotesque. Voilà ce que tu es. Tu es grotesque 
Monsieur est calme. Monsieur veut me prouver qu’il est calme 
Et moi, je ne suis pas calme, dis ? Je suis le calme ! Un modèle de calme ! Je ne connais pas beaucoup de femmes qui conserveraient leur calme au point où je garde le mien ! 
Il y a longtemps qu’une autre t’aurait arraché ce journal ou t’aurait obligé à répondre quelque chose ! Moi pas ! 
J’ai décidé que je conserverais mon calme et je le conserverai 
C’est toi qui manques de calme ! Je ne suis pas folle 
Je vois ta jambe qui tremble, tes mains qui blanchissent 
Tu crèves de rage ! Tu crèves de rage parce que tu te sais en faute 

Où étais-tu ? 
J’ai téléphoné chez Totor, tu venais de partir, avec une poule sans doute 
Sans doute avec cette poule immonde chez laquelle tu couches quand tu me dis que tes collègues te demandent de monter à Marseille 
Tais-toi ! Je la connais et je te connais 
Une femme qui a le double de ton âge, qui s’habille au marché aux puces. Les gens se retournent dans la rue ! 
Et voilà la poule que Monsieur trouve ! Et voilà la poule avec laquelle il me trompe ! 
Encore, j’apprendrais que tu me trompes avec une petite fille fraîche, neuve, que tu lances, que tu as dans la peau… Je ne dis pas que ça m’enchanterait, non ! Mais je te trouverais des excuses. Mais là, une vieille femme, même pas riche, et qui te rapporte quoi ? 
Hum ? Quoi ? Je te le demande ! Enfin, les hommes sont fous ! Fous et vicieux et funestes. Funestes. Car tu es funeste. Eh bien, voilà le mot, je le cherchais. Tu es funeste ! 

Et ma santé ? Tu y penses à ma santé ? Tu t’en fous, hein ? Si je crevais, je te débarrasserais 
Tu crois que ça l’arrange, ma santé, d’attendre, d’attendre, d’attendre toujours. D’aller de cette fenêtre à cette porte ou de cette porte à cette fenêtre ? 
Il n’y avait pas de téléphone dans cet hôtel infect. Je l’ai fait poser. Pourquoi ? Pour que Monsieur puisse me rassurer, me dire "J’ai une affaire, je suis à tel et tel endroit, ne t’inquiète pas, mon amour, je rentre tout de suite." 
Dépense inutile : c’est ta sœur qui téléphone ! 

Le téléphone est devenu un instrument de supplice en plus. Il y avait l’ascenseur. Il y avait la sonnette d’en bas. Il y avait les clefs dans les portes. Il y avait la pendule. Maintenant il y a le téléphone. Ce téléphone que je regarde, que je dévore des yeux, et, et le silence. Jamais Monsieur n’aurait l’idée, où il se trouve, Dieu sait où – chut ! Je préfère l’ignorer - jamais il n’aurait l’idée de se dire "Elle crève toute seule à l’hôtel, c'est pas difficile, je vais donner un coup de téléphone." 
Ha, ha, ha ! Ça s'rait trop de peine, faudrait allonger le bras. Prouver à la poule avec laquelle tu es que tu en as une autre à la maison. Sortir de ton mystère, de ton "mutisme" 

Émile ! Tu t’obstines ? Tu t’accroches à ce journal ? Un, deux, trois ! Très bien ! 
Je continuerai ! Je continuerai car je sais que tu écoutes et que je t’embête 
Le sort en est jeté ! Je te sortirai tout le paquet. Je te dirai tout ce que j’entasse depuis des mois. Je te dirai tout ce que j’ai sur le cœur ! 
Une patate ! Ça s’appelle une patate ! J’ai une patate sur le cœur. Une patate énorme, énorme ! Et il faut qu’elle sorte. Il faut qu’elle sorte ou, ou j’en étoufferai 

Et tes mensonges ? Quel menteur tu es ! Tu mens comme tu respires ! 
Tu mens, tu mens, tu mens, tu mens ! Tu mens à propos de bottes et continuellement 
Si tu me dis que tu vas t’acheter une boîte d'allumettes, c’est faux. Tu vas prendre un bock et vice versa. Tu mens pour le plaisir, par habitude 
Tiens, l’autre jour, tu m’as raconté que tu allais chez ton dentiste. Moi, je me doute de ton mensonge, je me poste devant l’hôtel de ta vieille poule et je t’ai vu sortir 
Ne dis pas non, ne jure pas sur ta mère ! Je t’ai vu ! 
Tu n’avais pas besoin de me parler du dentiste. Il est vrai que d’aller chez le dentiste ou chez cette vieille poule, ça ne doit pas être beaucoup plus agréable 
Enfin, ça te regarde. Fais ce que tu veux. Non, ce qui me révolte, c’est le mensonge 
Tu mens tellement que tu t’embrouilles dans tes mensonges, que tu te prends les pieds dans tes mensonges. Tu oublies ce que tu racontes et on est gêné pour toi 
Je te l’affirme, moi, il m’arrive de rougir quand je t’écoute raconter des histoires qui n’ont ni queue ni tête. Et tu as un aplomb, un aplomb ! 
Remarque, je suis certaine que dois mentir aussi à l’autre. À l'autre ? Aux autres ! Et que ton existence doit avoir la complication d’un cauchemar 

Dans le temps, au début, j’étais jalouse de ton sommeil 
Je me demandais "Où va-t-il quand il dort ? Qui voit-il ?" Tu souriais, tu te détendais, et je me mettais à haïr les personnages de tes rêves 
Je te réveillais souvent pour que tu les plaques. Et toi tu aimais rêver. Notre vie n’était pas drôle. Tu aimais rêver et tu étais furieux que je te réveille 
Mais ta figure béate, je ne la supportais pas 
Maintenant, si tu dors, je me dis "Me voilà tranquille, il est là. Je peux le dorloter, le toucher, le regarder." 
Moi je dors mal. Je ne dors presque jamais. Alors je me dis "Il est là, il ne court pas à droite et à gauche. Je l’ai, je le garde." 

Émile… Émile ! Je te jure que tu me pousseras à commettre un crime ou tu me pousseras à tout casser, c’est toi qui commettrais un crime, qui tirerais, qui te ferais mettre en tôle. Ah ! Tu te vois en tôle, dis ? 

Écoute-moi bien. J’ai pu te parler avec patience. Seulement je te préviens que ma patience est à bout. Si, dans trois minutes… Non, tiens, je vais compter jusqu’à trois. Si quand j’aurai compté jusqu’à trois, tu ne lâches pas ce journal, je te préviens, Émile, que je ferai un malheur 

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt, vingt et un, vingt-deux… 

(sonnerie de téléphone) 

Vingt-trois… 
Tu as de la chance ! Allo ! Allo ! De la part de qui ? Mais non, ce n’est pas la bonne ! Monsieur Émile ? Monsieur Émile lit son journal. Ah… C’est vous ! Ouais ! Parfaitement, attendez ! 

(La main sur le combiné, à Émile.) 

Daigneras-tu répondre ? C’est ta vieille poule 

(Silence.) 

Elle te demande 

(Silence.) 

Non, Madame. Oui, je lui ai dit que c’était vous. Il refuse de se déranger. Je vous répète qu’il lit son journal ! Pfffff… 
Émile, veux-tu venir oui ou non ? 
Non. C’est non… Ah, mais, Madame, je n’y peux rien… Ah vraiment ? Vraiment ? Vous êtes charmante ! Il refuse de vous parler, que voulez-vous que, j’y fasse ? Oh ! 

(Elle raccroche.) 

Salope ! 

(Elle s’approche d’Emile.) 

Merci, Émile. Tu as été très chic 
Je n’aurais jamais cru que tu serais aussi chic 
C'est vrai, je serais morte de honte si tu avais parlé à cette femme. Émile… J' suis… J' suis embêtante, hein ? Avoue ? Émile, pardonne-moi, va… Embrasse-moi… 

(Elle écarte le journal, Émile dort, sa cigarette tombée.) 

Ho, y dort ! Émile ! Émile, réveille-toi ! Émile ! Émile ! 
Ta vieille poule a téléphoné ! Ta vieille poule a téléphoné ! Ta vieille poule a téléphoné ! J’ai cru que tu refusais de lui répondre et de lui parler… Oh… Émile ? 

Émile la repousse d’un geste brusque. Il s'étire, se lève, allume sa cigarette et se dirige vers le cabinet de toilette. Elle le suit, il se rhabille. 

Émile, Émile ! Tu te rhabilles ? Ah, prends garde. Je vais me jeter par la fenêtre ! Je vais m' tuer ! 

Elle ouvre la fenêtre et jette son mégot. Émile entre dans le cabinet de toilette sans qu'elle le voie. Elle quitte la fenêtre et, devant la chambre vide, devient folle. 

Où es-tu, Émile ? Émile ? 

(Il sort du cabinet de toilette.) 

Ho ! Tu m'as fait peur ! J' te voyais plus, j' te croyais sorti 

(Il se peigne.) 

Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu as ? Tu te rhabilles ? 

(Il met son veston) 

Tu… Tu sors ? C’est impossible ! Qu’est-ce que j’ai dit ? Émile, réponds-moi… Réponds quelque chose ! Tu es trop dur, trop féroce. J’attends… J’attends… J’attends à en crever. Enfin tu arrives. J’ai à te parler, je te parle, tu te plonges dans la lecture d’un journal, et tu t’es endormi ! Alors, quoi, tu n’as même pas entendu ce que j’avais à te dire ! Ah, c’est trop fort ! M’en, m'en vouloir et me punir, de quoi ? 

(Elle s’accroche. Il la repousse et ferme son veston.) 

Écoute, Émile, je reconnais que j’ai été violente, que tu détestes entendre la vérité… Non, non, au moins certaines choses qui t’ennuient. Émile, dis quelque chose… Parle, ouvre la bouche ! Ne reste pas comme une borne, comme une statue ! 

(Il met son manteau.) 

Hein ? Quoi ? Tu mets ton manteau ? Ah, non, tu ne sortiras plus ! J’ai trop souffert, je ne te laisserai plus sortir 
Émile, aie pitié de moi, aie du cœur 
Tu as du cœur, et tu m'aimes… Si tu m’aimais pas, tu ne rentrerais pas, et tu rentres ! Tu rentres en retard, mais tu rentres 
C’est que tu tiens à moi. C’est que c’est pas fini. Émile, jure-moi que c’est pas fini 

(Émile va au téléphone et compose un numéro. Elle s'accroche à son bras.) 

Émile, tu n’as pas le droit ! Pense à tout ce que j’ai fait pour toi ! 
Non ! C’est pas ce que je voulais dire ! Je sais bien que j’ai rien fait pour toi, que j’avais rien à faire et que si j’avais fait la moindre chose, c’était trop naturel. 
Tu m'en veux parce que je parle ? 

Pardon, Émile, je serai sage. Je ne me plaindrai pas. Je me tairai, là. Là, je me tairai. 
Je te coucherai, je te borderai, tu dormiras et je te regarderai dormir, et tu auras des rêves et dans les rêves tu iras où tu veux, tu me tromperas avec qui tu veux… Mais reste ! Reste ! Reste… Je mourrais s’il fallait t’attendre demain ou après-demain 

(Émile ouvre la porte. Elle s’accroche à lui) 

Émile, je t'en conjure, c'est trop atroce ! Émile ! Reste ! Ah, Émile, regarde-moi ! J’accepte ! Tu peux mentir, mentir, mentir et me faire attendre. J’attendrai, Émile ! J’attendrai autant que tu voudras… 

Émile la repousse et sort en claquant la porte — Elle court à la fenêtre pendant que le rideau tombe 

Oh ! Émile ! Émile ! Émile ! Émile ! Émile ! Émile ! Oh… Oh… Oh… Émile… Oh… 


Obstinément, tu es là 
J'ai beau chercher à m'en défaire 
Tu es toujours près de moi 
Je t'ai dans la peau 
Y a rien à faire 
Tu es partout sur mon corps 
J'ai froid, j'ai chaud 
Je sens tes lèvres sur ma peau 
Y a rien à faire 

J' t'ai dans la peau 

Fuente: forum.muzika.fr/read.php?1,750486

Monólogo en Español: 


Hola, ¿Eres tú Georgette? Pásame al Señor Totor. Si lo encuentras. Esperaré, ¿Ahí está? Perfecto! Pásamelo.
¿Totor? ¿Eres tú? Sí, soy yo.
¿Émile se encuentra? ¿No?
¿Lo viste? ¿A qué hora? ¿Y... y estaba solo? ¿Y no sospechas a dónde iba? ¿No te dijo nada? ¿Estaba de negro?
Oh, no estoy preocupada, tenía que decirle una cosa urgente y no he podido lograr hacerlo.
¿Funciona? ¡Bien hecho! ¿Yo? Oh, después de mi trabajo, estoy agotada.
Mejor, un poco mejor. ¿El doctor? Si crees que tengo dinero para ver a los médicos.
No pero me cuido, vuelvo, me acuesto.
¿Émile? Émile es un ángel. Es perfecto para mí. Pero sí, va a volver. Jamás me dejará. Debe de tener algún asunto.
En fin. Un abrazo, bien. Hasta la vista, adiós Totor. Buena suerte

(Ella cuelga, escucha el sonido del ascensor y va a escuchar a la puerta. El teléfono suena, ella se precipita.)

Hola, Ah! Eres tú! ¿Tu hermano?
Naturalmente que aquí está tu hermano. Está aquí, pero él está en el cuarto de baño.
Lo voy a llamar. 
¡Émile! ¡Émile! ¿Qué? ¿No puedes venir? ¡Encantador!
Hola. ¡Él es un grosero!
No. Él grita que está todo desnudo y que no sería conveniente hablar al teléfono.
¿Que si estoy segura de que está aquí?
Estás loca, Simone. ¡Naturalmente que él está aquí!
Ah, no es mi culpa si se niega, de molestarse, de venir 
¡Tu hermana piensa que podrías moverte!
¡Ah, tiene un vocabulario escogido!
No, él está en el agua y pretende quedarse en el agua
Le pediré otra vez. ¡Eso es!

(Ella cuelga. - Entre los Dientes)

¡La zorra!

(Repite su facción. Ruido del ascensor. Se precipita. Se oye otra puerta. Silencio. Se apoya, de pie, en la puerta, agotada. Va al péndulo y adelanta las agujas. A media voz.)

¡Es sin embargo fácil telefonear, descolgar un aparato!

(Mira el teléfono y de repente se decide poner una capa. Ruido de llaves. Se quita la capa. Se precipita sobre el diván y toma un libro. La puerta se abre, Émile entra. Es un gigoló magnífico, al borde de no serlo más. Entra, y, para lo que sigue, se desvestirá, yendo del baño dormitorio silbando.)

Tu hermana ha llamado
Le dije que estabas en el baño
No vale la pena que sepa que no habías vuelto al hotel, que andabas arrastrándote en cualquier lugar.
¡Habría estado demasiado contenta! Además, llamaba sólo para darse cuenta. Repetía "¿Estás segura de que él está allí?"
¡Qué zorra!
¿Dónde estabas?
Le pregunté a Totor si te había visto, pero no sabíamos dónde estabas.
¡El tiempo pasa tan rápidamente! Leía, creía que acababa de volver de mi trabajo y luego miro el reloj y me doy cuenta de que es una hora imposible
¿Dónde estabas?

(Silencio)

¡Perfecto! ¡ No quieres responder, como de costumbre! ¡No respondas, mi buen hombre!
No soy yo quien te interrogará, que insistirá.
Yo no soy de esas mujeres que están cuestionando y que caminan sobre los talones hasta que sepan lo que quieren.
¡Conmigo no tienes nada que temer!
Te pregunto dónde estabas …
¿Te niegas a responder?
La causa es oída. Solamente, de ahora en adelante, yo, lo tomaré a mi gusto.
Mientras que el Señor se pasea, iré a donde se me da la gana, y no te rendiré cuentas. Sería demasiado fácil, ¡Gracias!
¡Señor hace lo que quiere, y Señora debe quedarse encerrada en la triple torre del hotel!
Lo he comprendido. No comprendía, pero lo comprendí. Buenas noches señoras y señores.
Volvía como una pequeña chica de buen comportamiento a esperar al Señor … ¡Y el Señor no vuelve! Señor es tranquilo, Señor sabe que Señora está en el hotel, que duerme.
¡Entonces el Señor huye! Pero todo esto va a cambiar.
Desde mañana, aceptaré las ofertas de los tipos que me envían flores, cartas, Champaña etcétera.
Y el Señor verá como es divertido de esperar. De esperar siempre

(Émile pasó su bata, se acuesta sobre la cama, enciende un cigarrillo y despliega un periódico que le esconde el rostro.)

¡Lee tu periódico! Lee tu periódico, o más bien finge leerlo. Nada me impedirá gritar …

(Llaman al tabique; continúa más bajo)

...De gritar lo que tengo sobre el corazón
Es muy cómodo un periódico. Detrás de un periódico, nos escondemos. Pero yo, detrás de ese diario, adivino tu figura mala y atenta, sí, mi querido, a-ten-ta!
¡Hablaré, vaciaré mi bolsa! ¡Nada me impedirá vaciar mi bolsa!

(Llaman al tabique)

¡Mierda!

Lee tu periódico, ¡Es tan simple! ¿Sabes lo que es, tú, de estar enfermo, irse a otro lugar? ¿Sabes lo que es volver rápido a casa, de esperar el apoyo de la persona que amas, y de encontrar el cuarto vacío y esperar?

¡Esperar! Conozco este cuarto. ¡Si lo conozco!
Conozco los anuncios rojos y verdes que se encienden y que se apagan pareciendo los tics de un viejo maníaco
Conozco los taxis que fingen detenerse, que van más despacio y que pasan. Y cada vez, el corazón deja de latir
Conozco el ascensor que sube al piso de arriba o que se detiene en el piso de abajo y el ruido de otras puertas
Conozco las agujas del reloj que giran a toda velocidad si no se las mira, y que, si se las mira, se deslizan como ladrones, tan lentamente que no se las ve moverse, creyendo que el reloj se equivoca
Esperar. Esperando, en tu casa, ¡Esto es arte! Un suplicio chino. Conoces todos los trucos, todos los medios más espantosos de apenar y de perjudicar

¡Lo que me esperaba! 
Cuento hasta un mil, hasta diez mil, hasta cien mil. Cuento mis pasos entre la ventana y la puerta.
Combino cálculos para que mis pasos cuenten el doble. Pongo un disco. Comienzo un libro y escucho.
¡Escucho con toda mi piel como las bestias! Y varias veces no lo soporto más y telefoneo
Telefoneo en uno de esos sucios lugares donde te arrastras, donde debes torturar a otras mujeres.
¡Y acabas siempre de irte! Y uno nunca sabe dónde te fuiste
Y la dama del lavabo que toma una voz de mamá gallina, una voz compasiva.
¡Ah! ¡Éso, la mataría!

Además, es posible que te mate. Como las mujeres que mataron a su amante por menos que esto.
¡Espera, espera, espera, espera! 
¡Esto es una locura, son los locos quienes matan!
Después me mataría. No soportaría vivir sin ti. Estoy segura. Pero qué es lo quieres, ¡Es un reflejo!

Mira, hablo, hablo, otros que tú echarían su periódico, me responderían, se explicarían o me abofetearían. ¡Tú, no! Lees tu periódico o finges leerlo.
Daría todo por ver tu rostro detrás de ese periódico Tu cara de diablo.
¡Un rostro que adoro y que me da ganas de tomar un revólver y disparar!

Escucha, Émile, esta noche, decidí contarte todo, creo que es mejor que nos separemos.

¡Sí! Estás acostumbrado a que yo sufra en silencio, a que lo cierre todo, ¡Pero ya es suficiente!
A las dos me había prometido, si volvías, callarme, ser gentil, de acostarme, de hacer como si durmiera, como si me despertaras
A las dos y diez, la tortura de los coches y del ascensor comenzó
¡A las dos y un cuarto, tu hermana tuvo la idea genial y brillante, de hacerse policía y ver si habías vuelto al hotel, y a las dos horas y media, yo misma perdí el control, y decidí, sí, decidí que hablaría y que acabaría con este silencio!

¡Oh! Puedes callarte, puedes leer tu periódico, puedes refugiarte detrás de tu periódico.
¡No me importa! No seré tu engañada. Te veo, te veo a pesar del periódico. ¡Ha, ha!
Mi escena te aburre, ¿Eh? No lo esperabas. Te decías "Es una víctima, disfrútala"!
Pues bien no, no, no, no y no, me niego a ser una víctima y a dejarme cocer a fuego lento. Viviré, lucharé, y obtendré el éxito de esto.

Te amo. Eso se entiende. Te amo y es tu fuerza.
Tú, pretendes que me quieres. Pero no me quieres, Émile.
Si me quisieras, no me harías esperar, no me atormentarías a cada minuto, andar rodando de lugar en lugar y a hacerme esperar.
Me destruyo. No soy más que la sombra de mí misma.
Ten: ¡un fantasma! Un verdadero fantasma. Un fantasma cubierto de cadenas, de todas las cadenas que me enganchas. Un fantasma en un calabozo. 

Yo sé lo que quieres. Lo sé.
Querrías poder ir y venir, hacer todo lo que te pasa por la cabeza, acostarte con el mundo entero y saber que yo, yo a la que quieres, ha, ha, ha, parece, estoy encerrada en una torre triple en una caja fuerte donde tienes la llave en tu bolsillo.
¡Y entonces, estás tranquilo! ¡Esto es despreciable. ¡Despreciable!

¡Émile! 

¡Oh! Bien. Continúa, lee tu periódico, lee tu periódico
¡Hay un bello tiempo que debes haber acabado de leerlo! Te aconsejo releerlo, leerlo de arriba a abajo y de bajo hacia arriba, de izquierda a derecha y de derecha a izquierda
Eres grotesco. Eso es lo que eres. Eres grotesco, El Señor es tranquilo.
El señor quiere demostrarme que está en calma
Y yo, no estoy tranquila ¿Eh? ¡Yo soy la calma! ¡Un modelo de calma! ¡No conozco a muchas mujeres que conservarían su calma al punto donde guardo la mía!
¡Hace mucho que otra te habría arrancado ese periódico o te habría obligado a responder algo! ¡Yo no!
Decidí que mantendría mi calma y la conservaré
¡Es a ti a quien le falta la calma!
No estoy loca
Veo tu pierna que tiembla, tus manos que palidecen 
¡Te mueres de rabia! Te mueres de rabia porque sabes tu culpa

¿Dónde estabas?
Llamé a casa de Totor, acababas de irte, con una zorra sin duda
Sin duda con esa zorra inmunda con la cual te acuestas cuando me dices que tus colegas te piden ir a Marsella
¡Cállate! La conozco y te conozco
Una mujer que tiene el doble de tu edad, que se viste en el mercadillo. ¡La gente se voltea en la calle!
¡Y he aquí la gallina que el Señor encuentra! ¡Y he aquí la gallina con la que me engaña!
Una vez más, sabría que me engañas con una chica fresca, nueva, que la tienes en la piel...
No digo que me encantaría esto, ¡No! Pero te encontraría excusas.
Pero ahora una anciana, ni siquiera rica, ¿Y que te beneficia en qué?
¿Hum? ¿Qué? ¡Te lo pido! En fin, ¡Los hombres son locos!
Locos y viciosos y funestos. Funestos. Porque eres funesto. Pues bien, he aquí la palabra, la que buscaba. ¡Eres funesto!

¿Y mi salud? ¿Piensas en mi salud? No te importa, ¿verdad? Si estuviera muriendo, te desharías 
Crees que esto lo arregla, mi salud, de esperar, de esperar, de esperar siempre. 
¿De ir de esta ventana a esta puerta o de esta puerta a esta ventana?
No había teléfono en este asqueroso hotel. Lo hice poner. ¿Por qué?
Para que el Señor pueda calmarme, decirme "Tengo un asunto, estoy en tal y tal lugar, no te preocupes, mi amor, vuelvo en seguida."
Gasto inútil: ¡Es tu hermana la que llama!

El teléfono se convirtió en un instrumento de tortura nada más. Allí estaba el ascensor.
Había una campanilla de abajo. Habían unas llaves en las puertas. Había un reloj.
Ahora hay un teléfono. Ese teléfono que miro, que devoro con los ojos, y, y el silencio.
¡El Señor jamás tendría la idea, donde se encuentre, Dios sabe dónde - ¡Shh!
Prefiero ignorarlo - Jamás tendría la idea de decirse "Sufre sola en el hotel, no es difícil, voy hacerle una llamada."
¡Ha, ha, ha! Eso sería demasiado problema, habría que alargar el brazo. Probarle a la gallina que tienes otra en la casa. Salir de tu misterio, de tu "mutismo"

¡Émile! ¿Te obstinas? ¿Te aferras a ese periódico? ¡Uno, dos, tres! ¡Muy bien!
¡Continuaré! Continuaré porque sé que escuchas y que te aburre
¡La suerte está echada! Sacaré todo el paquete. Te diré todo lo que amontono desde hace meses. ¡Te diré todo lo que tengo sobre el corazón!
¡Una batata! ¡Eso se llama una batata! Tengo una batata en el corazón.
¡Una batata enorme, enorme! Y hace falta que salga. Hace falta que salga o, o me estrangulará 

¿Y tus mentiras? ¡Qué mentiroso eres! ¡Mientes como respiras!
¡Tú ,mientes, mientes, mientes, mientes! 
Mientes sin motivo y continuamente 
Si me dices que vas a comprar una caja de cerillas, es falso.
Tomas una cerveza y viceversa.
Mientes por el placer, por costumbre, el otro día, me dijiste que ibas donde tu dentista.
Sospecho de tu mentira, me pongo delante del hotel de tu vieja gallina y te he visto salir
¡No digas que no, no lo jures por tu madre! ¡Te vi!
No necesitabas hablarme del dentista. Es verdad que de ir a casa del dentista o a casa de esa vieja gallina, no debería ser algo muy agradable
En fin, eso te mira. Haz lo que quieras. No, es lo que me molesta, es la mentira 
Mientras tanto que te embrollas en tus mentiras, te pones en los pies de tus mentiras.
Olvidas lo que dices y es incómodo por ti 
Te lo afirmo, a mi, me pasa que enrojezco cuando te escucho contar historias que no tienen cola ni cabeza.
¡Y tienes un aplomo, aplomo!
Observo, estoy segura que debes de mentir también a la otra. ¿A la otra? ¡A otras! Y que tu existencia debe tener la complicación de una pesadilla

Con el tiempo, al principio estaba celosa de tu sueño
Me preguntaba " ¿Dónde va él cuando duerme? ¿A quién ve?" Sonreías, te relajabas, y empezaba a odiar a los personajes de tus sueños
A menudo te despertaba para volcarte. Y a ti te gustaba soñar. Nuestra vida no era divertida. Te gustaba soñar y te enfurecía que te despertara.
Pero tu figura plácida, no la sostenía
Ahora, si duermes, me digo "Aquí estoy tranquila, está allí. Puedo mimarlo, tocarlo, mirarlo."
Yo duermo mal. Casi nunca duermo. Entonces me digo "Está allí, no se corre a la derecha y a la izquierda. Lo tengo, lo guardo."

Émile … ¡Émile! Te juro que me incitarás a cometer un crimen o me harás romperlo todo, eres tú quien cometería un crimen, que tirarías del gatillo, hacerte meter en la cárcel. ¡Ah! ¿Te ves en la cárcel, Eh?

Escúchame bien. Pude hablarte con paciencia. Sólo te advierto que mi paciencia está agotada. Si, en tres minutos … No, voy a contar hasta tres. Si cuando llegue a la cuenta de tres, no sueltas ese periódico, te advierto, Émile, ocasionaré una desgracia

Uno, dos, tres, cuatro, cinco, seis, siete, ocho, nueve, diez, once, doce, trece, catorce, quince, dieciséis, diecisiete, dieciocho, diecinueve, veinte, veintiuno, veintidós …

(Timbre de teléfono)

Veintitrés … ¡Tienes suerte! ¡Hola! ¡Hola! 
¿De parte de quién? ¡No, no es la criada! 
¿Señor Émile? Señor Émile lee su periódico. Ah … ¡Eres tú! ¡Sí! ¡Perfectamente, espere!

(La mano sobre el micrófono, a Émile.)

¿Te dignarás a responder? Es tu vieja zorra

(Silencio)

Pregunta por ti

(Silencio)

No, Señora. Sí, le dije que era usted. Se niega a moverse. ¡Le repito que él lee su periódico! Pfff … 
Émile, ¿Quieres venir sí o no? 
No. Es no … Ah, pero, Señora, no puedo hacer nada … ¿Oh En serio? ¿En serio? 
¡Usted es encantadora! 
Se niega a hablar con usted, ¿Qué quiere, que yo haga? ¡Oh!

(Ella cuelga)

¡Ramera!

(Se acerca a Émile)

Gracias, Émile. Fuiste muy amable, jamás habría creído que serías tan amable
Es verdad que habría muerto de vergüenza si hubieras hablado con esa mujer. 

Émile … Soy … Soy fastidiosa, ¿Eh? 
Confiésalo Émile, perdóname, vamos … Bésame... 

(Aparta el periódico, Émile duerme, su cigarrillo cae)

¡Oh, estás dormido! ¡Émile! ¡Émile, despiértate! ¡Émile! ¡Émile! ¡Tu vieja gallina telefoneó! ¡Tu vieja gallina telefoneó! ¡Tu vieja gallina telefoneó! Creí que te negabas a responder y a hablarle … Oh … ¿Émile?

(Émile la aparta de un gesto brusco. Se estira, se levanta, enciende su cigarrillo y se dirige hacia el baño. Ella lo sigue, se vuelve a vestir)

¡Émile, Émile! ¿Te vuelves a vestir? Oh, ten cuidado. ¡Voy a tirarme por la ventana! ¡Voy a matarme!

(Abre la ventana y tira su colilla. Émile entra en el baño sin que le viera. Ella deja la ventana y, delante del cuarto vacío, se vuelve loca)

¿Dónde estás, Émile? ¿Émile?

(Sale del baño)

¡Oh! ¡Me has asustado! No te vi, pensé que te habías ido

(Se peina)

¿Qué es lo que haces? ¿Qué tienes? ¿Te vuelves a vestir?

(Pone su chaqueta)

Tú … ¿Sales? ¡Es imposible! ¿Qué es lo que dije? Émile, respóndeme … ¡Responde algo! Eres demasiado duro, demasiado feroz. Espero … Espero … Espero morirme. En fin llegas. ¡Tengo que hablarte, te hablo, te sumes en la lectura de un periódico, y te quedas dormido! ¡Entonces, qué, no oíste lo que tenía que decirte! ¡Ah, es demasiado fuerte! 
Yo, tengo la culpa y soy castigada, ¿De qué?

(Se agarra. La rechaza y cierra su chaqueta)

Escucha, Émile, reconozco que fui violenta, que detestas oír la verdad … No, no, por lo menos ciertas cosas que te molestan. Émile, di algo … ¡Habla, abre la boca! ¡No te quedes así como una estatua!

(Pone su abrigo)

¿Cómo? ¿Qué? ¿Te pones tu abrigo? ¡Ah, no, no saldrás más! Sufrí demasiado, no te dejaré más salir Émile, ten piedad de mí, ten buen corazón.
Tienes un buen corazón, y me amas… Si no me mas, no volverías, ¡Y vuelves! Vuelves tarde, pero vuelves 
Es que me valoras. Es que todo no está acabado. Émile, júrame que esto no ha terminado

(Émile va al teléfono y marca un número. Ella se agarra a su brazo)

¡Émile, no tienes derecho! ¡Piensa en todo lo que hice por ti! ¡No! ¡Eso no es lo que quería decir! Sé bien que no he hecho nada por ti, que no tenía nada que hacer y que si había hecho la menor cosa, era demasiado natural. ¿Te molesta que hable?

Perdón, Émile, seré buena. No me quejaré. Me callaré, allí. Allí, me callaré. Te acostaré, te bordearé, dormirás y te miraré dormir, y tendrás sueños y en los sueños irás a donde quieras, me engañarás con quien quieras … 
¡Pero quédate! ¡Quédate! Quédate … Moriría si tuviera que esperarte mañana o pasado mañana

(Émile abre la puerta. Ella se aferra a él)

Émile, te lo imploro, ¡Es demasiado horrible! ¡Émile! ¡Quédate! ¡Oh, Émile, mírame! 
¡Lo acepto! Puedes mentir, mentir, mentir y hacerme esperar. ¡Esperaré, Émile! Esperaré mientras quieras …

(Émile la rechaza y sale dando un portazo - Ella corre a la ventana mientras que la cortina cae)

¡Oh! ¡Émile! ¡Émile! ¡Émile! ¡Émile! ¡Émile! ¡Émile! Oh … Oh … Oh … Émile … Oh …


Obstinadamente, estás ahí
Intento siempre librarme de ello
Siempre estás cerca de mí 
Te tengo en mi piel
No hay nada que hacer 
Estás en todo mi cuerpo
Tengo frío, tengo calor
Siento tus labios sobre mi piel

No hay nada que hacer, Te tengo en mi piel...






















"Déjenme adoptar el estilo de Stendhal para decir que la Señorita Édith Piaf es una genio. Es inimitable. Jamás hubo una Édith Piaf, Y no habrá otra nunca más"


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